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Les mécanismes moléculaires de l'apoptose.

Auteur : Dr. Jean-Ehrland RICCI - INSERM U526. - Nice, France.

Adresse actuelle : La Jolla Institute for Allergy and Immunology, San Diego, California, USA.


Sommaire apoptose   |    I   |    II   |    III   |    Résultats   |    Discussion et Perspectives   |    Bibliographie

II - PROTEINES DE STRESS ET APOPTOSE :

II-1. généralité sur les protéines de stress :


Les protéines de stress, ou hsp (heat shock protein) , forment une famille de protéines remarquablement conservée au cours de l'évolution. Elles exercent des fonctions essentielles à la vie cellulaire et plus encore à la survie lors de stress d'origine chimique, physique ou métabolique. Ces protéines ont été classifiées en fonction de leur poids moléculaire respectif (Table 6). Certaines hsps, comme hsp90, 70, 60 et 27 agissent comme des protéines chaperonnes. Elles vont lier les peptides, les protéines en cours de synthèse ou à fort risque d'agrégation et vont ainsi permettre leur repliement correct et leur translocation dans les compartiments subcellulaires appropriés (Gething et Sambrook, 1992). Elles sont aussi capables de lier des protéines dénaturées afin de rétablir leurs fonctions (Parsell et Lindquist, 1993).


L'élévation modérée de la température permet l'induction de toute la famille des hsps et l'obtention d'un état dit de "thermotolérance". Cette thermotolérance correspond à l'adaptation de la cellule et à sa résistance à un choc thermique consécutif (Li et Werb, 1982). Cet état ne permet pas seulement à la cellule de se protéger d'un choc thermique mais il lui permet aussi d'être moins susceptible à d'autres facteurs de stress, notamment à des facteurs pro-apoptotiques. La prévention de l'apoptose par les hsps semble s'exercer à la fois grâce à leur actions protectrices vis-à-vis des radicaux libres oxygénés (RLO) et grâce à l'interaction directe avec différentes molécules dont les caspases (voir ci-dessous).


Dans la suite de ce manuscrit, nous nous intéresserons plus particulièrement aux hsp70 et 27 car elles regroupent, à elles seules, la grande majorité des publications concernant l'implication des protéines du stress dans l'apoptose.


II-2. Principales hsps impliquées dans l'apoptose

a) hsp70 :

- UNE FAMILLE DE PROTÉINES CHAPERONNES :


Parmi toutes les protéines de stress décrites, la famille hsp70 est la plus conservée. Il existe des analogues de hsp70 des bactéries les plus primitives aux mammifères et à l'Homme. Certains membres sont spécifiquement associés à des compartiments intracellulaires comme le cytosol (hsp70/hsc70), ou à des organelles tels que la mitochondrie (hsp75) ou le réticulum endoplasmique (Grp78). Ces protéines hsp70 associées aux organelles intracellulaires jouent un rôle crucial dans la translocation et la bonne conformation des protéines (Martin et Hartl, 1994; Hartl et Martin, 1995). En revanche le rôle des membres cytosoliques de la famille est moins bien compris, probablement en raison de la diversité de ceux-ci. En effet, ils participent à la bonne conformation des protéines (Martin et Hartl, 1994; Hartl et Martin, 1995), la suppression de l'agrégation des protéines, la réactivation des protéines dénaturées (Gething et Sambrook, 1992), la translocation nucléaire (Shi et Thomas, 1992), l'élimination des manteaux de clathrine des vésicules (Ungewickell, 1985), l'import mitochondrial (Terada et al., 1995), le ciblage de polypeptides vers les lysosomes pour la dégradation (Chiang et al., 1989; Terlecky et al., 1992), la dégradation d'ARNm (Laroia et al., 1999), et enfin, la régulation de la réponse suite à un choc thermique (Lindquist, 1986).


Le rôle de la famille hsp70, dans ces diverses régulations, est basé sur la capacité de ces protéines à interagir avec des protéines ou des polypeptides (Georgopoulos et Welch, 1993). Il existe un grand nombre de partenaires protéiques des hsp70 parmi lesquels il convient de citer p53 (Fourie et al., 1997; Sturzbecher et al., 1987), Rb (Inoue et al., 1995), c-myc (Koskinen et al., 1991), RCC1 (protéine associée à la chromatine, (Saitoh and Dasso, 1995)), Bag-1 (Takayama et al., 1997), HSF-1 (Nunes et Calderwood, 1995; Shi et al., 1998) et d'autres hsps (Minami et al., 1996).


Hsc70 et hsp70 sont très semblables (87 % d'identité). En fait, hsc70 est une forme constitutivement exprimée de la chaperonne alors que hsp70 est une forme inductible par le stress. Elles sont constituées d'un domaine N-terminal très conservé de 45 kDa, possédant une activité ATPasique (Chappell et al., 1987; Flaherty et al., 1990) et d'un domaine C-terminal de 25 kDa. La partie C-terminale contient un site de fixation des polypeptides (Wang et al., 1993). Les quatre acides aminés C-terminaux EEVD, communs entre autre à hsc70 et hsp70, permettent des communications interdomaines et la liaison à des peptides (Freeman et al., 1995). De plus, ces acides aminés semblent être essentiels pour la protection cellulaire contre le choc thermique (Li et al., 1992).


L'activité chaperonne de la famille hsp70 est contrôlée par une série de réactions cycliques de fixation, d'hydrolyse et d'échange du nucléotide. Ce type de réaction permet l'association puis, rapidement, la dissociation de hsp70 et de ces cibles polypeptidiques (McCarty et al., 1995; Rudiger et al., 1997). Ainsi, hsp70 ou hsc70 contenant une molécule d'ATP lie rapidement le peptide cible alors qu'une fois lié à l'ADP, cette réaction est plus lente mais la fixation est plus stable (Schmid et al., 1994; Hiromura et al., 1998). Les protéines hsp70 ne possèdent qu'une faible activité ATPasique intrinsèque (Hiromura et al., 1998). L'activité chaperonne est régulée par l'addition de cofacteurs ou de cochaperonnes qui permettent la conversion de l'ATP en ADP. Parmi ces cofacteurs, il convient de citer hsp40 (Freeman et al., 1995), Hip (Hsc70 Interacting Protein) et Hop (Hsc-hsp90 Organizing Protein) (Frydman et Hohfeld, 1997).


L'association de hsp40 et de hsc70 permet la stabilisation de l'interaction entre la chaperonne et son substrat en favorisant la conformation liée à l'ADP de hsc70 (Minami et al., 1996). La coopération entre hsc70 et hsp40 permet d'augmenter la capacité de hsc70 à prévenir l'agrégation protéique (Freeman et al., 1995). Les fonctions " réparatrices " de l'activité et de la structure des protéines cibles de hsc70 sont dépendantes de facteurs supplémentaires (Demand et al., 1998). Le complexe hsp40/hsc70 est stabilisé par son association avec Hip (Hohfeld et al., 1995; Hohfeld et Jentsch, 1997). La dissociation du complexe a lieu lors du recrutement de Hop qui va promouvoir l'échange de l'ADP en ATP (Smith et al., 1993; Frydman et Hohfeld, 1997; Chen et Smith, 1998). Une fois libéré de son substrat, hsc70 peut alors recommencer un cycle d'association-dissociation avec une nouvelle cible. Le peptide libéré est confié à une autre chaperonne. Le passage du peptide d'une chaperonne à une autre pourrait être, en partie, dû à Hop qui a la capacité de lier simultanément hsc70 et hsp90 (Smith et al., 1993; Frydman et Hohfeld, 1997).


- ROLE DANS L'APOPTOSE :

De nombreuses études ont mis en évidence une corrélation entre les effets protecteurs des protéines du stress et la suppression de l'apoptose, bien qu'aucun mécanisme précis n'ait été décrit. L'état de thermotolérance est corrélé à la surexpression des hsps, notamment hsp70 et 27, mais aussi à l'inhibition de l'apoptose induite par de nombreux stimuli (Samali et Orrenius, 1998; Jaattela, 1999). Parmi ces stimuli, nous trouvons des agents chimiothérapeutiques (Samali et Cotter, 1996; Jaattela et al., 1998), Fas (Mehlen et al., 1996a), l'oxide nitrique (Bellmann et al., 1996), les U.V. (Simon et al., 1995), la déprivation en sérum (Mailhos et al., 1993), les chocs thermiques (Mosser et Martin, 1992; Mosser et al., 1997) et le TNF (Jaattela et al., 1992). L'effet anti-apoptotique des hsp70 a été attribué à de nombreux mécanismes dont le blocage du signal conduisant à l'activation des JNK (Mosser et al., 1997), (Buzzard et al., 1998; Gabai et al., 1998; Meriin et al., 1999; Yaglom et al., 1999). Ce mécanisme semble être indépendant de l'activité chaperonne de hsp70 (Yaglom et al., 1999). Certaines études rapportent que l'effet anti-apoptotique de hsp70 est postérieur à l'activation des caspases (Jaattela et al., 1998) alors que d'autre rapportent que hsp70 est capable d'inhiber l'activation de la caspase 3 (voir ci-après) (Mosser et al., 1997).


Récemment il a été décrit que hsp60, qui est présent dans la matrice mitochondriale sous la forme d'un complexe multimérique, était relâché dans le cytosol en réponse à un stimulus pro-apoptotique. Une fois libéré, hsp60 s'associerait à la procaspase 3 et accélèrerait ainsi son activation de manière ATP dépendante (Samali et al., 1999; Xanthoudakis et al., 1999).


Toutefois, il faut noter que le rôle protecteur des hsps ne semble pas être systématique. En effet, il a été montré que dans certaines conditions, hsp70 (Liossis et al., 1997) et hsp90 (Galea-Lauri et al., 1996) pouvaient induire l'apoptose.


Bien que ces dernières études semblent relater une action marginale des hsps, la cible de celle-ci dans la voie apoptotique est inconnue. En effet, il a été décrit que l'effet anti-apoptotique de hsp70 ne passait pas par une modification de la libération de cytochrome c. La même étude montre que hsp70 ne modifie pas la quantité de caspase activée en dépit d'une augmentation du nombre de cellules survivantes (Jaattela et al., 1998) suggérant que l'action protectrice de hsp70 se situe en aval des caspases. En revanche, une autre étude relate une suppression de l'activation des caspases par hsp70 sans pour autant affecter les fonctions mitochondriales (Mosser et al., 1997).


La destruction ciblée du gène d'une isoforme de hsp70 (hsp70-2) exprimé spécifiquement dans les gonades mâles détermine chez la souris l'arrêt de la méiose des précurseurs des cellules germinales et aboutit à l'absence de spermatides postméiotiques et de spermatozoïdes mûrs (Dix et al., 1996). Ce déficit en cellules germinales est du à une exacerbation des phénomènes apoptotiques.



En définitive, toutes ces données, nous indiquent que hsp70 exerce, dans la quasi totalité des cas, une action anti-apoptotique. Cependant aucune étude, à l'heure actuelle, ne permet de déterminer précisément la ou les cibles de hsp70 dans la cascade pro-apoptotique.



b) hsp27 :

hsp27 appartient à la famille des petites protéines du stress. Elles sont exprimées de manière ubiquitaire et ont la capacité de former des structures oligomériques (Mehlen et Arrigo, 1994). De nombreux agents, dont TNFa, IL-1 et les stress oxidatifs, ont été décrits comme de puissants modulateurs de la phosphorylation de hsp27. Il a été montré que la surexpression de hsp27 conduit à une protection similaire à celle induite par hsp70 contre les RLO notamment. hsp27 peut également protéger les cellules de l'apoptose induite par Fas ou la staurosporine (Mehlen et al., 1996). L'effet protecteur induit par hsp27 semble être, au moins en partie, lié à sa capacité à interférer avec le métabolisme du glutathion. En effet, il existe une corrélation significative entre la concentration de hsp27 et celle du glutathion (Mehlen et al., 1996). Or le glutathion joue un rôle clé, d'une part dans la détoxification de protéines intracellulaires oxydées, et d'autres part dans l'export des dérivés conjugués au glutathion par la pompe spécifique GS-X dépendante de l'ATP (Ishikawa, 1992).


Les petites protéines du stress ont la particularité d'être synthétisées de manière transitoire au cours de la différenciation cellulaire. L'inhibition partielle de l'expression du gène hsp27 dans la phase précoce de la différenciation des cellules HL-60 induit un arrêt aberrant de la division de ces cellules et altère le processus de différenciation. L'expression de hsp27 au cours de la phase précoce de différentiation des cellules embryonnaires souches (cellules ES) coïncide avec une accumulation maximale de glutathion, alors que l'inhibition de l'expression de hsp27 s'accompagne d'une diminution de celle-ci. L'inhibition de hsp27 fait avorter le processus de différenciation par une exacerbation du phénomène apoptotique latent dans ces cellules (Mehlen et al., 1997). hsp27 peut donc être considérée comme une protéine anti-apoptotique spécifiquement synthétisée au cours du processus de différenciation. Elle joue un rôle essentiel lors de la transition entre la division et la différenciation cellulaire (Spector et al., 1993).


Récemment deux articles ont permis d'apporter un éclaircissement important sur le rôle de hsp27 dans l'apoptose. Le premier décrit la capacité de hsp27 à inhiber l'activation de la procaspase 9 par le cytochrome c (Garrido et al., 1999), le deuxième relate la capacité de hsp27 à s'associer et à réguler négativement l'activation de la caspase 3 (Pandey et al., 2000). Les deux articles s'accordent sur le fait que la libération du cytochrome c par la mitochondrie n'est pas modulée par hsp27. Les auteurs montrent que hsp27 peut inhiber l'activation des caspases après libération du cytochrome c probablement au niveau de l'apoptosome. Cependant la " cible " de hsp27 diverge selon les auteurs. L'étude de Garrido et coll. montre que hsp27 peut empêcher l'activation de la caspase 9 par le cytochrome c et le dATP et que cette inhibition est postérieure à la libération du cytochrome c mais antérieure à l'activation de la procaspase 9. Les auteurs en déduisent que hsp27 doit interagir avec une des molécules formant l'apoptosome telle que le cytochrome c lui-même, la caspase 9 ou encore Apaf-1. En revanche l'étude de Pandey et coll. montre que hsp27 ne peut empécher la formation de l'apoptosome et l'activation de la caspase 9 mais qu'elle est capable d'inhiber l'activation de la caspase 3 en s'associant directement avec elle.


Quelle que soit la cible de hsp27, il semble bien établi que cette chaperonne puisse intervenir dans la cascade apoptotique soit en aval soit directement au niveau de l'apoptosome. Ceci permet d'expliquer le rôle protecteur de hsp27 sur l'apoptose induite par différents agents pro-apoptotiques (Huot et al., 1991; Oesterreich et al., 1993; Garrido et al., 1997).


Un article récent décrit également la capacité de hsp27 et hsp32 à inhiber les kinases de la famille Src (Kasi et Kuppuswamy, 1999). D'autres hsp, comme hsp90, 70 et l'ab-crystalline ne présentent pas les mêmes capacités. Il semble que hsp27, ainsi que le 5'-AMP, puissent interagir directement avec c-Src. Cette liaison faciliterait la compétition entre le 5'-AMP et le 5'ADP/ATP lié au site catalytique. Une fois le 5'-AMP fixé à la kinase, il va inhiber son activité. Cette action inhibitrice des hsps sur l'activité des membres de la famille Src pourrait être un moyen de régulation de leur activité afin de maintenir l'état de différenciation terminale. Un autre article décrit la capacité de hsp27 à interagir avec la protéine kinase Akt dans des conditions de stress (Konishi et al., 1997). D'après les auteurs, cette interaction permettrait de préservé les fonctions anti-apoptotique (Franke et al., 1997; Hemmings, 1997) de la kinase Akt dans les conditions de stress.

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