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Les mécanismes moléculaires de l'apoptose.

Auteur : Dr. Jean-Ehrland RICCI - INSERM U526. - Nice, France.

Adresse actuelle : La Jolla Institute for Allergy and Immunology, San Diego, California, USA.


Sommaire apoptose   |    I   |    II   |    III   |    Résultats   |    Discussion et Perspectives   |    Bibliographie

III - APOPTOSE DANS LE CONTEXTE DE L'ACTIVATION LYMPHOCYTAIRE T :

L'apoptose des lymphocytes T matures permet de préserver l'homéostasie périphérique et la tolérance en prenant en compte les profonds changements du nombre et du type de cellules T stimulés par les antigènes. Il existe au moins deux voies conduisant à l'apoptose des cellules T : une voie induite par l'antigène (apoptose dite "active") et une voie induite par la privation en lymphokines (apoptose dite "passive").


Cette dernière partie de l'introduction nous permettra tout d'abord de faire le point sur l'activation des cellules T en nous intéressant tout particulièrement aux membres de la famille Src présents dans les cellules T. Par la suite, l'implication de la mort cellulaire programmée dans la régulation du système immunitaire sera détaillée.


III-1. Activation lymphocytaire T :

Les lymphocytes T reconnaissent l'antigène sous forme d'un peptide lié aux molécules du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH) situées à la surface des cellules présentatrices de l'antigène (CPA). Les CMH de classe I et II sont des glycoprotéines membranaires possédant une région hautement polymorphique. La variabilité de cette région permet l'interaction avec un type unique de peptide et en aucun cas une autre protéine (Bjorkman et al., 1987; Brown et al., 1993). Les CPA vont en général présenter très peu de copies d'un même épitope. Par conséquent, la reconnaissance par la cellule T doit être extrêmement sensible. De plus, cette reconnaissance doit être hautement sélective puisque les cellules T vont devoir identifier les quelques complexes CMH-peptide antigénique parmi un grand nombre de complexes non relevants constitués des mêmes molécules de CMH liées à des peptides du soi. Finalement, les cellules T doivent être capables d'interpréter le contexte dans lequel un antigène donné est présenté afin d'induire une réponse envers un antigène infectieux ou bien d'ignorer un antigène inoffensif ou appartenant au " soi ".


a) Du récepteur T à l'activation

Les cellules T des vertébrés supérieurs présentent deux types de récepteur T : ab et gd. Je ne détaillerai que la structure du TCR ab.

Le TCR ab présente un pont di-sulfure entre les sous-unités a (40-50 kDa) et b (35-47 kDa). Chaque chaîne polypeptidique comprend deux régions homologues aux domaines des immunoglobulines (Ig) et est ancrée dans la membrane plasmique par un domaine transmembranaire et une courte queue cytoplasmique. La variabilité de la séquence en acides aminés réside dans le domaine N-terminal des polypeptides a et b qui présente des homologies avec les domaines variables des Ig. La chaîne a est codée par le réarrangement des segments de gènes V et J et la chaîne b par le réarrangement des segments de gènes V, D et J (Davis et Bjorkman, 1988).

Figure 7
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Représentation schématique du récepteur T.
Les chaînes du TCR sont associées avec une série de polypeptides appelés CD3. Cette association est nécessaire à l'expression du complexe TCR à la surface des cellules T. Le CD3 ne présente aucune variabilité de séquence et ne peut donc pas participer à la diversité des TCRs. Il est acquis que le CD3 est nécessaire à la transduction du signal suite à la stimulation du TCR. Il comprend au moins 5 polypeptides invariants : g, d, e, z et h (Figure 7).

Pour que l'activation des cellules T soit efficace, elle nécessite également l'engagement d'autres récepteurs de surface. Ce modèle est défini comme " le modèle des deux signaux ". Il propose que l'activation des cellules T nécessite un signal provenant du TCR et un signal provenant des molécules " costimulatrices ". Bien que plusieurs molécules puissent jouer le rôle de costimulateur, CD28 est devenue l'archétype de celles-ci. L'engagement de CD28 par son ligand sur une CPA (B7/CD80) ou par un anticorps permet d'augmenter fortement la réponse induite par le TCR (Shaw et Dustin, 1997).

Les antigènes CD4 et CD8 permettent de répartir les lymphocytes T périphériques en deux sous-populations. Le CD4 est exprimé à la surface des cellules T auxiliaires/inductrices. Il va interagir avec un CMH de classe II. CD8 est présent à la surface des cellules T cytotoxiques et supressives et interagit avec un CMH de classe I. CD4 et CD8 ont la capacité de s'associer de manière non covalente avec la tyrosine kinase p56Lck.

Il a été décrit aux points de contact du lymphocyte T avec la CPA, une oligomérisation du TCR d'assez grande amplitude, stabilisée par des molécules co-réceptrices et de co-stimulation. Cette oligomérisation serait à l'origine des événements de signalisation intracellulaire consécutifs (Germain, 1997; Shaw et Dustin, 1997). Ces grands complexes moléculaires à la jonction cellule T / CPA sont appelés " synapse immune " (Dustin et Shaw, 1999). Leur formation s'accompagne d'une large réorganisation du cytosquelette et semble requise pour induire une activation T complète. Un co-engagement de CD3 et de la molécule accessoire CD28 permettrait une réorganisation importante des microdomaines glycosphingolipidiques au site d'engagement du récepteur T (Viola et al., 1999). Ce phénomène pourrait être à l'origine de l'activation des lymphocytes T, bien que les mécanismes impliqués dans ce processus restent encore à élucider. Brièvement, les microdomaines glycosphingolipidiques ou radeaux lipidiques sont des complexes macromoléculaires enrichis en glycosphingolipides, en cholestérol et en protéines ancrées par un groupement GPI (glycosyl phosphatidyl inositol). Ce sont des domaines de petite taille (< 70 nm de diamètre) qui contiennent moins de 50 molécules (Friedrichson and Kurzchalia, 1998; Varma et Mayor, 1998). La purification des radeaux repose essentiellement sur leur insolubilité dans certains détergents non ioniques à 4°C (pour revue : Brown et London, 1998).


Le premier changement biochimique observé consécutivement à l'engagement du TCR est l'activation des tyrosines kinases de la famille Src (Samelson et al., 1986; June et al., 1990), principalement Lck (Straus et Weiss, 1992) et Fyn (Samelson et al., 1990). Cette activation résulterait soit d'une trans-phosphorylation de kinases associées à deux complexes TCRs agrégés ensemble soit plus probablement à un TCR associé à un co-récepteur CD4 ou CD8 couplé à Lck (Delon et al., 1998). Une fois activées, les kinases phosphorylent les tyrosines de différentes chaînes du CD3 (Iwashima et al., 1994; Wange and Samelson, 1996). Les tyrosines cibles sont situées dans une séquence du type :

YxxI/L (7-8 acides aminés) YxxI/L


Ce motif est dénommé ITAM (Immunoreceptor Tyrosine-based Activation Motif). Il est observé non seulement dans les chaînes associées au TCR, mais aussi dans des protéines de la signalisation associées au FcR, au récepteur B et au récepteur des NK activés (Isakov, 1997).


Figure 8
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Les différentes voies de signalisation associées au récepteur de l'antigène des cellules T.
La connection entre la phosphorylation des ITAMs et les autres changements biochimiques de la cellule est complexe. Une fois phosphorylés, les ITAMs vont pouvoir recruter la protéine kinase de la famille Syk : ZAP-70 (Koyasu et al., 1994; Osman et al., 1995; Zenner et al., 1996) ainsi que des protéines adaptatrices comme Shc (Ravichandran et al., 1993; Osman et al., 1995; Zenner et al., 1996). Il a été montré que ZAP-70 pouvait se lier très fortement par l'intermédiaire de ces SH2 à deux tyrosines phosphorylées sur l'ITAM de z (Gauen et al., 1994; Bu et al., 1995; Hatada et al., 1995) (Figure 8).


Au contraire de Syk (Couture et al., 1994), la fixation de ZAP-70 ne va pas induire son activation (Chan et al., 1995), celle-ci dépend de sa phosphorylation par Lck (Chan et al., 1995; Kong et al., 1996; Wange et al., 1995) ZAP-70 va alors pouvoir phosphoryler un substrat jouant un rôle central : la protéine LAT (Zhang W. et al., 1998). LAT va permettre l'interaction, entre autres, avec Grb-2, la phosphatidylinositol 3-kinase (PI-3 kinase), la phospholipase Cg (PLCg). Le recrutement de ces différentes protéines ainsi que leur effets sont schématisés sur la Figure 8.


La stimulation du TCR peut conduire à l'activation de la caspase 3 et à l'apoptose des cellules T (Nicholson et al., 1995; Han Z. et al., 1997). De plus, le clivage de la caspase 3 se produit aussi in vivo, lors de la sélection négative, impliquant le TCR (Alam et al., 1997; Clayton et al., 1997). De manière très surprenante, il a été décrit que l'inhibition de la voie conduisant à l'activation des caspases (en utilisant un dominant négatif de FADD, des cellules issues de souris invalidées pour ce gène, ainsi que des cellules de souris trangéniques exprimant Bcl-2) conduit à l'absence de prolifération des cellules T matures (Newton et al., 1998; Zhang J. et al., 1998; Zornig et al., 1998). Ces résultats semblent indiquer que les caspases jouent un rôle dans l'activation des cellules T. Deux études récentes semblent confirmer ce résultat. L'équipe de R.C. Budd a montré que la prolifération ainsi que la production IL-2 induite par un anti-CD3 peuvent être bloquées par des inhibiteurs de caspases (Kennedy et al., 1999). La même étude rapporte que des anticorps anti-CD3 induisent un clivage rapide de la caspase 8, mais pas de la caspase 3, durant le même intervalle de stimulation. L'autre article, de l'équipe de R.P. Sékaly, confirme qu'un inhibiteur général des caspases est bien capable de bloquer la prolifération de lymphocytes du sang périphérique, ainsi que l'expression du CMH II (Alam et al., 1999). Cette activation des cellules T s'accompagne d'un clivage de certaines caspases : caspase 8 et aussi 3, 6, 7 mais pas des caspases 1, 2, 4 ou caspase 9. Cet article induit, de plus, qu'il existe une certaine sélectivité des substrats dégradés. Ainsi, l'activation des caspases induite par la prolifération des cellules T, conduit à la dégradation de PARP, de la Lamine B et de la kinase Wee1 mais pas au clivage de DFF45/ICAD ou RFC140 (sous-unité 140 du facteur de réplication C). Enfin, le point central de cette étude réside dans le fait que l'activation des caspases ainsi que la dégradation des substrats se produisent dans des cellules NON-apoptotiques. Ces deux articles ont été à la base de notre étude concernant l'implication de la tyrosine kinase p59Fyn dans l'activation des caspases induite par la stimulation du récepteur T (cf. partie résultats).


b) La famille Src

Figure 9
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Structure schématique des kinases de la famille Src.
La famille Src regroupe une dizaine de tyrosines kinases dont Src elle-même mais aussi Fyn, Yes, Lck ou encore Lyn. Elles présentent une structure commune constituée de six domaines distincts : un domaine SH4, une région unique, un domaine SH3 suivi d'un domaine SH2, un domaine catalytique et un domaine régulateur (Figure 9).

- Le domaine SH4 est situé dans la partie N-terminale de la kinase. Il va être le lieu de modifications impliquant l'addition de lipides qui vont permettre la localisation membranaire de la protéine, élément primordial pour l'activité de ces enzymes. Cet ancrage membranaire se fera grâce à la palmitoylation de résidus Cys (3, 5 et/ou 6) et/ou à la myristylation d'un résidu Gly du SH4. Il semble que la palmitoylation soit un événement post-traductionnel alors que la myristylation est une modification co-traductionnelle.


- La région unique comporte de 50 à 80 acides aminés. Elle est propre à chaque kinase et permet probablement la spécificité de celle-ci. Ainsi, c'est par l'intermédiaire de ce domaine que la kinase Lck peut interagir avec les molécules CD4 ou CD8 (Rudd et al., 1991).

- Les régions SH3 et SH2 sont des domaines d'interaction protéines-protéines. SH3 interagit avec des régions riches en prolines alors que le SH2 va lier des tyrosines phosphorylées.

- Le domaine catalytique comporte une lysine essentielle pour la liaison de l'ATP.

- Les membres de la famille Src contiennent notament deux résidus de tyrosine impliqués dans l'activité kinase. La Tyr416 est située au milieu de la boucle d'activation (pour Src, site d'autophosphorylation) (Xu et al., 1999). La phosphorylation de la Tyr416 conduit à une augmentation de l'activité probablement suite à un changement de conformation de la protéine. Il est à noter que les formes oncogéniques de Src sont constitutivement phosphorylées sur la tyrosine 416 (Parsons et Weber, 1989). Pour sa part, la Tyr527 (pour Src) est situé dans le domaine régulateur de la kinase. Sa phosphorylation aboutit à une diminution de l'activité (Brown et Cooper, 1996). In vivo Lck est phosphorylée sur l'une ou l'autre de ces tyrosines mais jamais sur les deux simultanément.


Figure 10

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Mécanisme d'activation et d'inactivation des membres de la famille Src.
La phosphorylation de la tyrosine C-terminale (Tyr527 pour Src) va permettre le repliement de la molécule sur elle-même par l'intermédiaire de son domaine SH2 (Figure 10). Cette conformation est stabilisée par une seconde interaction entre le domaine SH3 et un domaine de liaison situé entre le SH2 et le domaine kinase (Xu et al., 1999). Les Src sont activées lorsqu'une phosphatase va éliminer ce phosphate inhibiteur ou bien, lorsqu'une autre molécule peut interagir avec la kinase et ainsi forcer son changement de conformation.

L'observation que l'invalidation du gène aboutit à une dérégulation de l'activité des Src a apporté la preuve finale que la kinase responsable de la phosphorylation de la Tyr régulatrice est Csk (Carboxy-terminal Src Kinase) (Imamoto et Soriano, 1993; Schmedt et al., 1998). Le mode d'action de Csk vient d'être élucidé par l'équipe de (Kawabuchi et al., 2000) grâce à l'identification d'une nouvelle protéine Cbp (Csk-binding Protein) (Figure 10).

Csk est libre dans le cytoplasme alors que Cbp est ancrée à la membrane au niveau de radeaux lipidiques (qui contiennent des membres de la famille Src, notamment). Une fois les Src activées, elles phosphorylent plusieurs substrats dont, peut-être, Cbp elle-même.

Csk va alors se lier à Cbp-phosphorylé par l'intermédiaire de son domaine SH2 et pourra ainsi être co-localisé avec les Src. Une fois proche des Src, Csk pourrait inhiber leur activité en induisant leur repliement.


L'activité des Src peut-être aussi régulée par des tyrosines phosphatases telles que CD45. CD45 est une molécule transmembranaire présente en abondance dans tous les leukocytes. Elle posséde, dans sa partie cytoplasmique, deux domaines PTP (Protein Tyrosine Phosphatase). Les membres de la famille Src possèdent à la fois des sites de régulation positif et négatif qui sont tout deux des substrats potentiels de CD45. La phosphorylations de ces sites permet de réguler l'activité enzymatique. Il est bien établit que CD45 peut réguler à la fois positivement mais aussi négativement l'activité des Src (pour revue (Ashwell et D'Oro, 1999). Il n'est pas suprenant que l'effet de CD45 puisse être différents selon le type cellulaire ou selon l'état d'activation ou de différenciation des cellules. En effet, ces paramètres peuvent influer sur d'autres molécules responsables de phosphorylation (i.e des kinases comme Csk), de dephosphorylation (i.e phosphatase comme PEP, PTP-PEST) ou encore de protéines altérant l'activité kinase (i.e molécules qui se lient aux domaines SH3 comme HIV Nef).


Les cellules T expriment principalement deux membres de la famille Src : p56Lck et p59Fyn (Olszowy et al., 1995; Cooke et Perlmutter, 1989) qui sont tous deux impliqués dans la signalisation du TCR. Ces deux kinases interagissent avec le TCR (Samelson et al., 1990; Timson Gauen et al., 1992; Duplay et al., 1994; Straus et al., 1996). Une fois activées, elles sont capables d'augmenter la production d'IL-2 (Abraham et al., 1991; Cooke et al., 1991; Luo et Sefton, 1992). Cependant, il semble que leur fonction ne soit que partiellement redondante. Ainsi, le développement des cellules T est fortement perturbé chez les souris Lck-/- (Molina et al., 1992) alors que ce phénotype est beaucoup moins marqué chez les souris Fyn-/-. Le développement des souris Fyn-/- est normal, bien que les thymocytes présentent une réponse diminuée au TCR. De plus, les cellules T matures de ces souris ne produisent pas d'IL-2 en réponse à une stimulation du TCR in vitro (Appleby et al., 1992; Stein et al., 1992). Finalement l'expression d'une forme active de Fyn dans des souris Lck-/- permet de récupérer partiellement le développement des cellules T (Groves et al., 1996).


Ces résultats indiquent que Fyn et Lck ne présentent qu'une redondance fonctionnelle partielle au cours du développement des cellules T. Cette différence pourrait s'expliquer par l'existence de cibles différentes selon les kinases, mais aussi par l'expression relative de chaque kinase au cours du développement. Il semble que Fyn, contrairement à Lck, induit une réponse partielle suite à une stimulation du récepteur T (Denny et al., 2000). Ainsi, les voies de signalisation transmises par Fyn miment une réponse induite par la stimulation du TCR par des peptides altérés (Denny et al., 2000; Madrenas et al., 1995; Sloan-Lancaster et al., 1994). Par exemple, Fyn est toujours capable d'induire le recrutement de ZAP-70 au complexe CD3 mais elle n'est plus capable de stimuler sa phosphorylation, donc son activation ce qui conduit à l'absence de phosphorylation du substrat central LAT (Zhang W. et al., 1998). Cependant, SLP-76, qui est aussi substrat de ZAP-70 (Raab et al., 1997; Wardenburg et al., 1996) est phosphorylée dans les conditions suggérant une voie parallèle utilisée par Fyn. Il semble donc qu'en absence de Lck (cellule JCaM1 par exemple), Fyn induise une activation partielle de la cellule et ainsi conduit à l'anergie. SLP-76 est une protéine relativement hydrophile possédant plusieurs motifs contenant des Tyr, une région centrale riche en résidus proline et un domaine SH2 dans sa partie C-terminale. C'est une protéine adaptatrice spécifique des cellules immunes (Jackman et al., 1995). Elle peut interagir avec de nombreuses protéines dont Nck, c-Cbl, la phospholipase Cg, VAV et FYB/SLAP-130. FYB est capable de se lier à la fois à SLP-76 et à Fyn. FYB possède plusieurs domaines riches en proline, plusieurs motifs contenant des tyrosines et deux domaines putatifs de localisation nucléaire associés au domaine SH3. Tout comme LAT et SLP-76, FYB est exprimé uniquement dans les cellules lymphoïdes. L'association sélective du SH2 de Fyn (et d'aucune autre Src) à FYB offre une nouvelle voie rendant compte de l'implication de Fyn dans la signalisation via le TCR. La cotransfection de Fyn, FYB et SLP-76 indique que ces molécules travaillent en synergie afin de potentialiser l'activité promotrice du gène de l'IL-2 induite par le TCR (Raab et al., 1999).


Pour conclure, il semble que les cellules T puissent réguler la transduction du signal du TCR en modulant l'expression, l'activité ou la localisation de Lck et Fyn.


FYN ET APOPTOSE :

Plusieurs observations permettent de proposer une implication de p59Fyn dans les phénomènes apoptotiques :

- Les thymocytes des souris Fyn-/- sont résistants à l'apoptose induite par Fas (Atkinson et al., 1996),

- des cellules B (DT40) déficientes en Lyn et insensibles à l'effet pro-apoptotique de l'étoposide retrouvent une sensibilité à ce composé après transfection de Fyn (Maruo et al., 1999),

- l'apoptose induite in vitro et in vivo par la thrombospondine-1 (inhibiteur naturel de l'angiogenèse) requiert p59Fyn (Jimenez et al., 2000).


Ces observations indiquent que Fyn joue un rôle spécifique, et non redondant, dans ces différentes conditions. Il a aussi été montré que Fyn assumait une fonction essentielle dans la réponse neuronale à l'éthanol (Miyakawa et al., 1997) ou dans certains aspects de la mémoire à long terme (Grant et al., 1992).

Tous ces effets spécifiques de Fyn proviennent probablement de la capacité de cette kinase, mais pas d'autres Src à interagir avec des substrats comme Tctex-1 (composant du complexe moteur du cytosquelette contenant la dynéïne) (Campbell et al., 1998), Srim (protéine régulée par l'insuline) (Salvatore et al., 1998), FYB (da Silva et al., 1997), SLP-76 (voir précédemment) (Raab et al., 1999), Sam68 (RNA-bindin protein) (Lang et al., 1999), PKC q (Ron et al., 1999), Fas (Atkinson et al., 1996), interaction dont nous reparlerons plus en détail dans la discussion).


III-2. Mort cellulaire dans le système immunitaire :

La grande majorité des lymphocytes sont quiescents, c'est à dire qu'ils sont bloqués au stade G0 du cycle cellulaire et qu'ils ne présentent aucune fonction effectrice des cellules activées. C'est aussi le cas des cellules naïves et de certaines cellules mémoires (Croft et al., 1994) Il semble que Bcl-2 (Veis et al., 1993) et Bcl-X jouent un rôle primordial dans ce phénomène, comme semble l'indiquer l'observation faite chez les souris Bcl-2-/- qui montrent une chute progressive de leurs lymphocytes circulants, au cours du viellissement.


Les réponses immunes induisent l'expansion majeure d'un type de cellules T réactives possédant, entre autre, des effets cytotoxiques (Marrack et al., 1990; Moskophidis et al., 1993; Pantaleo et al., 1994). Une fois activées, le temps de doublement des cellules T est d'environ 4 h 30. Ainsi au bout d'une semaine, une cellule T activée aura " donné naissance " à 1012 cellules (Kurts et al., 1997). Par conséquent, afin de prévenir tout effet délétère pour l'organisme mais aussi pour l'économiser, le nombre de cellules T est étroitement contrôlé par un phénomène de " mort cellulaire programmée ". L'apoptose des cellules T implique principalement deux voies : une voie induite par l'antigène et une voie induite par la déprivation en lymphokines.


La réponse d'une cellule T à un antigène se passe en deux étapes : une phase d'activation suivie d'une phase de prolifération (Crabtree, 1989). Un des éléments clé de la phase d'activation est l'induction des gènes de l'IL-2 et de ses récepteurs de haute affinité. Lorsqu'une cellule T au repos est activée par un Ag, il y a peu ou pas apoptose induite par le TCR afin de permettre à la réponse immunitaire de se développer (Lenardo, 1991; Russell et al., 1991) (Green et al., 1992; Noel et al., 1996; Radvanyi et al., 1996a). En revanche, suite à un ou plusieurs cycles cellulaires, les cellules T deviennent sensibles à l'apoptose (Boehme et Lenardo, 1993; Fournel et al., 1996; Gonzalo et al., 1994; Lissy et al., 1998; Radvanyi et al., 1996; Zhu et Anasetti, 1995). Ceci explique pourquoi des hybridomes T, qui sont des cellules en perpétuelle expansion, meurent par apoptose suite à un engagement du TCR.


Figure 11
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Apoptose des lymphocytes T matures.
L'IL-2 est capable de promouvoir l'apoptose induite par l'antigène in vitro ainsi que la mort induite par un super-antigène in vivo (Lenardo, 1991). Ceci confère à l'IL-2 un rôle clé de régulateur de l'apoptose des cellules T (Figure 11). Ce rôle clé est confirmé par l'étude des souris invalidées pour les gènes de IL-2 ou de ces récepteurs (Abbas, 1996; Hunig et Schimpl, 1997). En effet, ces souris présentent une accumulation de cellules T activées couplée à une apoptose défectueuse induite par le TCR.

L'apoptose dite " passive " permet de diminuer le nombre de cellules T une fois que la réponse immune est terminée (Figure 11). Ainsi, en l'absence de nouvelle stimulation par l'Ag, l'expression de l'IL-2 et de ces récepteurs diminue, ce qui aboutit à l'apoptose par déprivation en lymphokines. En revanche, si les cellules T sont fortement stimulées par un Ag, il se produit une apoptose induite par l'Ag ou apoptose dite " active " (Figure 11). La mort se produit lors du ré-engagement du TCR à plusieurs reprises successives ou lors de la présence de l'Ag de manière continue. Il semble qu'une fraction des cellules T puisse échapper à la fois à l'apoptose active et passive. Elles vont former, au niveau du foie, un réservoir de cellule T mémoire (Figure 11).


a) Apoptose induite par l'Ag : apoptose "active" ou AICD

Figure 12
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Modèle de régulation de l'expression de FasL durant l'AICD des cellules T induite par le récepteur T.
L'apoptose active nécessite l'engagement du TCR et implique les cytokines de mort, telle que FasL et TNF (Lynch et al., 1994; Takahashi et al., 1994; Alderson et al., 1995; Dhein et al., 1995; Zheng et al., 1995) (Figure 12). Elle est aussi appellée AICD pour Activation Induced Cell Death.

Ainsi, les souris présentant les mutations gld et lpr (mutation sur FasL ou Fas respectivement) présentent des défauts majeurs de l'apoptose des cellules T et souffrent d'un syndrome lymphoprolifératif et de maladies auto-immunes (cf. chapitre I-5). L'expansion dramatique des cellules lymphoïdes chez ces souris illustre bien l'importance de l'apoptose pour la régulation des cellules T (Russell et Wang, 1993; Singer et Abbas, 1994; Zheng et al., 1995). Les cellules déficientes pour Fas présentent une mort induite par le TCR, bien que celle-ci soit réduite.

L'apoptose résiduelle est bloquée en inhibant le TNF (Tucek-Szabo et al., 1996; Zheng et al., 1995). Dans les cellules au repos, les gènes du TNF et de FasL sont très peu induits par la stimulation du TCR, en revanche ces cytokines sont fortement induites dans les cellules T stimulée par IL-2 (Zheng et al., 1998). Comme nous l'avons vu dans la première partie de ce manuscrit, l'effet cytotoxique de FasL et de TNF est médié par l'interaction avec leur récepteurs respectifs Fas et TNF-RI et II (Figure 12).


Plusieurs pathologies ont pour origine une dérégulation du système Fas/FasL. Parmi celles-ci nous trouvons une maladie lymphoproliférative ALPS (Autoimmune Lymphoproliférative Syndrome) engendrée par un récepteur Fas déficient (Puck et Sneller, 1997). Derniérement, il a été décrit l'existance d'une seconde forme de cette maladie, l'ALPS II, qui semble être, en partie, dûe à une mutation non-sense dans le domaine p17 de la caspase 10 (Wang et al., 1999). En effet les auteurs ont constaté, chez ces patients, que les gènes codant pour Fas, FasL, TNF-RI et II, caspase 8 ou FADD ne présentent aucune mutation. L'hépatite, pour sa part, résulte d'une apoptose des hépatocytes en réponse à une stimulation inappropriée de Fas dans ces cellules (Galle et al., 1995; Ruggieri et al., 1997; Seino et al., 1997; Strand et al., 1998).


Il est bien établi que certains tissus de l'organisme doivent être protégés de toutes réponse immune, ces tissus sont dit " privilégiés ". Le premier site reconnu comme privilégié a été la chambre antérieure de l'œil. Il a été démontré par la suite que FasL était le facteur majeur impliqué dans la protection de ces tissus contre les dommages induits par la réponse immunitaire (Hahne et al., 1996; Stuart et al., 1997). Comme ces tissus présentent une forte expression constitutive de FasL, les lymphocytes T activés qui rentrent en contact avec eux sont éliminés avant de pouvoir engendrer des dommages cellulaires. Ce mécanisme qui permet de préserver certains tissus, semble aussi être impliqué dans l'inhibition de l'immunité anti-tumorale. Ainsi, des études montrent que des cellules de mélanomes exprimant FasL sont capables de bloquer l'immunité anti-tumorale chez la souris, indiquant que FasL est responsable de cet effet (Hahne et al., 1996). De plus, la même expérience utilisant des animaux possédant un récepteur Fas non fonctionnel aboutit à une réponse immune normale et donc à un rejet de la tumeur (Hahne et al., 1996). FasL est exprimé dans de nombreuses tumeurs notamment dans des cancers du colon, de l'œsophage, du foie, du poumon ou du sein (O'Connell et al., 1999). Ceci suggère que FasL est un facteur important, voire essentiel, de l'inhibition de la réponse anti-tumorale (O'Connell et al., 1999a).


La sensibilité des cellules T au TNF et à FasL est grandement dépendante de l'expression de molécules inhibitrices. Parmi celles-ci nous trouvons MC159, la protéine E8, cFLIP ou encore les IAPs (cf. chapitre I-3-f). Ainsi le niveau d'expression de cFLIP décroît après stimulation par l'IL-2 et permet de réguler la sensibilité des cellules T à la mort induite par Fas (Irmler et al., 1997a; Van Parijs et al., 1998). Les IAPs ont aussi un rôle physiologique important (Deveraux et al., 1998; Deveraux et al., 1997; Liston et al., 1996). Il est à noter par contre que la protéine p53 n'est pas requise pour l'induction de la mort via le TCR (Boehme et Lenardo, 1996).


En définitive, l'apoptose active induite par le TCR se produit en deux étapes : Il y a tout d'abort stimulation du TCR qui aboutit à la production de FasL et/ou TNF puis interaction de ces cytokines avec leurs récepteurs spécifiques (Figure 12).



b) Apoptose induite par la déprivation en lymphokines : apoptose "passive"

Un des effets majeurs qui accompagne la disparition d'un Ag à la fin d'une réponse immune est la délétion massive et sélective des cellules T activées. Le fait que la diminution de la réponse à l'Ag coïncide avec l'atténuation du nombre de lymphocyte suggère que l'apoptose passive résulte de la disparition d'une substance trophique importante comme l'IL-2. Ainsi in vitro, les cellules T en prolifération enclenchent rapidement un programme apoptotique lorsqu'elles sont déprivées en IL-2 (Duke et Cohen, 1986). Ce phénomène nécessite une néo synthèse car il est bloqué par l'actinomycine D ou la cyclohéximide.


Tout comme l'apoptose " active ", l'apoptose " passive " conduit à l'activation des caspases et peut être modulée par les membres de la famille Bcl-2. Elle ne semble pas impliquer les cytokines de mort ou leur récepteur mais semble plutôt être une conséquence des dommages subis par la mitochondrie (Kluck et al., 1997; Ohta et al., 1997). Les mécanismes reliant l'action de l'IL-2 et les dommages mitochondriaux sont toujours inconnus à ce jour.

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