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Distribution subcellulaire des récepteurs du glutamate de type kaïnate

Auteur : Dr. Frédéric JASKOLSKI
Adresse actuelle : MRC Centre for Synaptic Plasticity - Department of Anatomy - University of Bristol - UK.


Introduction

I - La synapse :


1 - Généralités

2 - Les synapses électriques et chimiques

3 - La synapse glutamatergique
  3a - Morphologie
  3b - Plasticité synaptique
  3c - Organisation moléculaire de la PSD


3d - Les Récepteurs du Glutamate :

3d1 - Généralités :


En 1962, la synthèse du premier agoniste (NMDA) de la réponse excitatrice glutamatergique permet d'imposer le glutamate comme neurotransmetteur excitateur (Watkins, 1962, 2000). La découverte d'agonistes soit naturels comme l'acide kaïnique et l'acide quisqualique, soit de synthèse comme l'AMPA, a permis de distinguer pharmacologiquement différentes familles de récepteurs du glutamate. La première sous-unité de récepteurs ionotropiques du glutamate a été clonée en 1989 (Hollmann et al., 1989), puis, en 1992, Nakanishi et coll. clonent le premier récepteur métabotropique du glutamate (Nakanishi, 1992). Les approches pharmacologiques et moléculaires ont permis de classer les récepteurs du glutamate en fonction de leurs modalités de transduction, ionotropiques ou métabotropiques, et de leurs caractéristiques pharmacologiques.

3d2 - Les récepteurs métabotropiques du glutamate :
Les récepteurs métabotropiques du glutamate (mGluRs) sont des récepteurs couplés aux protéines G hétérotrimériques (RCPG), ce sont des protéines transmembranaires avec sept segments hydrophobes. Les mGluRs sont classés en trois groupes en fonction de leur homologie de séquence, de leur pharmacologie et de la voie de transduction à laquelle ils sont couplés. Le groupe 1 comprend les récepteurs mGluR1 et mGluR5 : ils sont couplés positivement à la phospholipase C, via des protéines G de type Gq. Le groupe 2 inclut les récepteurs mGluR2 et mGluR3 et le groupe 3 les récepteurs mGluR4, mGluR6, mGluR7 et mGluR8. Tous les mGluRs du groupe 2 et 3 sont couplés négativement à l'adénylate cyclase via une protéine G de type Gi/Go. Il a été mis en évidence plusieurs variants d'épissages pour les récepteurs mGluR1, mGluR5, mGluR4, mGluR7 et mGluR8 différant dans leur domaine C terminal intracellulaire (Pin and Duvoisin, 1995; Conn and Pin, 1997). La caractéristique structurale des mGluR est la présence du site de fixation du ligand dans un large domaine N terminal extracellulaire, lié par un domaine riche en cystéines au domaine heptahélice (région transmembranaire formée de sept hélices) (Fig 5). Les mGluRs possèdent également un domaine C terminal intracellulaire plus ou moins long selon les variants d'épissage (De Blasi et al., 2001). Comme de nombreux RCPG, les mGluRs forment des homodimères. Par exemple, Romano et al. ont montré que mGluR5 s'associe en dimères par des ponts disulfures, formés entre les cystéines conservées du domaine extracellulaire riche en cystéines (Romano et al., 1996).
Fonctionnellement, les mGluRs régulent et participent à la transmission synaptique par le biais de divers effecteurs comme la protéine kinase C (PKC), les récepteurs à l'inositol tri phosphate ou des canaux ioniques membranaires. Les mGluRs des groupes II and III mGluRs modulent la libération de neurotransmetteur en agissant comme auto-récepteurs pré-synaptiques de manière homo ou hétéro-synaptique, alors que les mGluRs du groupe I sont principalement post-synaptiques (Coutinho and Knopfel, 2002). La variété des rôles tenus par les récepteurs métabotropiques du glutamate se reflète dans la diversité de leur localisation autour de la synapse glutamatergique et sur les cellules gliales.

3d3 - Les récepteurs ionotropiques du glutamate :
Ce sous-chapitre aborde les aspects généraux des récepteurs ionotropiques du glutamate, puis détaille les caractéristiques des récepteurs NMDA, AMPA et delta. Le chapitre suivant est entièrement consacré aux récepteurs ionotropiques du glutamate de type kaïnate

Généralités :
L'étude phylogénique des gènes codant pour les récepteurs ionotropiques du glutamate (iGluR) a permis de mettre en évidence le caractère ancestral de la signalisation inter-cellulaire par le glutamate (Chiu et al., 1999). En effet, une sous-unité des récepteurs ionotropiques du glutamate, GluR0, a été cloné dans la bactérie Cyanobacterium synechocystis (Chen et al., 1999) ; dans le règne végétal il existe aussi des récepteurs ionotropiques du glutamate fonctionnels (AtGluR, Arabidopsis thaliana) (Lam et al., 1998); enfin, chez le nématode Caenorhabditis elegans il existe des iGluR synaptiques (Hart et al., 1995). Les différentes familles de récepteurs du glutamate sont classées en fonction de leurs caractéristiques pharmacologiques. Il existe quatre familles de iGluR, les récepteurs du glutamate de type NMDA, AMPA, kaïnate et delta (Fig 6A). Les récepteurs ionotropiques du glutamate bactériens et végétaux sont classés dans une catégorie indépendante car leur pharmacologie n'est pas encore clairement établie. Les iGluRs sont des récepteurs canaux transmembranaires, ils sont perméables aux cations, principalement au Na+, au K+ et pour certains au Ca2+ (Burnashev et al., 1996; Magleby, 2004). Ces récepteurs canaux sont des complexes tétramériques (Rosenmund et al., 1998) composés d'une combinaison de sous-unités. Malgré leur diversité phylogénétique toutes les sous-unités des iGluRs partagent une structure commune.

Structure des sous-unités des iGluR :
Toutes les sous-unités des iGluR partagent une topologie membranaire commune (Bennett and Dingledine, 1995). Cette topologie repose sur l'enchaînement : d'un domaine N-terminal homologue à la protéine bactérienne périplasmique LIVBP (40kDa, leucine/isoleucine/valine binding protein), d'un sous-domaine de liaison du glutamate S1 (12 kDa), de trois hélices membranaires (20 kDa), d'un sous-domaine de liaison du glutamate S2 (17 kDa), d'une hélice trans-membranaire (6kDa) et d'un domaine carboxy-terminal cytosolique (< 10 kDa) (Fig 6B) (Paas, 1998; Chiu et al., 1999).
Afin de connaître l'organisation en trois dimensions des domaines liant le glutamate Armstrong et al ont couplé les deux domaines S1 (deuxième moitié du domaine N-terminal) et S2 (boucle extracellulaire) pour construire la protéine de fusion S1S2J qu'ils ont pu solubiliser et cristalliser (Armstrong et al., 1998). Le site de liaison du glutamate se présente comme une poche formée par l'apposition des domaines S1 et S2 dans laquelle les atomes chargés du glutamate forment des liaisons hydrogènes avec les acides aminés de la protéine (Fig 7). Ce résultat est conforme au modèle de récepteurs " trois points " décrit par DR Curtis et JC Watkins en 1960 ; modèle proposé par l'analyse comparative des agonistes du glutamate qui ont en commun deux sites donneurs d'électrons et un site accepteur, constituant trois points d'interaction (cité dans (Watkins, 2000)).
L'organisation des segments hydrophobes dans la membrane plasmique et la tétramérisation des sous-unités permet la formation d'un pore à travers lequel diffusent les ions. Récemment, Sobolevsky et coll. ont montré que pour la sous-unité GluR1 l'ouverture du pore se fait par rotation (Fig 6C) (Sobolevsky et al., 2003, 2004). En comparant ces données avec la structure en trois dimensions du pore des canaux potassiques (Doyle et al., 1998), Sobolevsky et coll. proposent un modèle en trois dimensions pour l'ouverture du canal des iGluR (Fig 6C). Dans ce modèle, l'extrémité de l'hélice hydrophobe M2 se trouve au centre du puit de potentiels. Les résidus flanquant cette région sont donc importants pour la sélectivité ionique du canal. En effet, la perméabilité calcique des sous-unités GluR2, GluR5 et GluR6 est conditionnée par la nature du dernier résidu de l'hélice M2, glutamine ou arginine, ce site étant sujet à une modification post-traductionnelle d'édition (Sommer et al., 1991). A ce jour personne n'a encore pu déterminer la structure en trois dimensions complète des iGluRs mais les données existantes permettent de donner un support moléculaire aux propriétés biophysiques des récepteurs (Mayer and Armstrong, 2004; Wollmuth and Sobolevsky, 2004). La moitié distale du domaine N-terminal des sous-unités des iGluR est homologue à la protéine bactérienne périplasmique (LIVBP). Ce domaine constitue un site de liaison pour les agonistes et antagonistes non-compétitifs (Paas, 1998). La structure en trois dimensions de la protéine LIVBP est connue. En compilant ces données avec celles obtenues à partir de la structure des canaux potassiques et celles du domaine liant le glutamate de GluR2 il est possible de proposer un modèle en trois dimensions pour les sous-unités des iGluRs (Fig 8).
Chaque sous-unité contribue donc au récepteur en par un site de fixation pour l'agoniste (avec des propriétés pharmacologiques spécifiques), une partie du pore, et un domaine C-terminal cytosolique qui permet des interactions avec des protéines partenaires.

Les récepteurs de type NMDA :
Le NMDA (N-méthyl-D-aspartate) est le premier agoniste de synthèse des récepteurs ionotropiques du glutamate. Les récepteurs NMDA sont composés d'une combinaison de sous-unités NR1 et de sous-unités NR2 et/ou NR3. Un seul gène code pour la sous-unité NR1 mais il existe huit variants d'épissages qui génèrent 4 domaines C-terminaux différents (Fig 9A/B). Les domaines de liaison S1/S2 de NR1 constituent le site de fixation de la glycine, un co-activateur du récepteur (Fig 9C). Quatre gènes fortement homologues codent pour les sous-unités de type NR2 (Fig 9A/B). Deux gènes codent pour les sous-unités de type NR3, NR3A et NR3B (Fig 9A/B). Les sous-unités NR2 et NR3 ne forment pas de récepteurs fonctionnels homo-oligomériques (Cull-Candy et al., 2001; Carroll and Zukin, 2002). Au potentiel de repos du neurone (-80 mV), la liaison du glutamate sur le récepteur de type NMDA ne suffit pas pour permettre l'entrée d'ion par le canal. Une dépolarisation de la membrane plasmique aux alentours de -40 mV est nécessaire pour lever la blocage du canal par l'ion magnésium (Fig 9C) (Nowak et al., 1984). Cette propriété fait du récepteur NMDA un détecteur de coïncidence entre la libération synaptique de glutamate et une dépolarisation dans de la membrane du neurone. Cette propriété place les récepteurs du glutamate de type NMDA au centre de la potentialisation à long terme dans les cellules CA1 de l'hippocampe (Harris et al., 1984). Récemment, Casado et coll. ont montré que les récepteurs pré-synaptiques de type NMDA sont impliqués dans la dépression à long terme dans le cervelet (Casado et al., 2002). Qu'ils soient pré ou post-synaptiques, les récepteurs NMDA participent à l'intégration du signal excitateur.

Les récepteurs de type AMPA :
Les récepteurs de type AMPA sont les acteurs majeurs de la transmission synaptique rapide. Quatre gènes codent pour les sous-unités des récepteurs du glutamate de type AMPA, GluR1, GluR2, GluR3 et GluR4 (Fig 10A). Tous les ARNm codant pour les sous-unités des récepteurs AMPA sont épissés dans la région codant pour la boucle extracellulaire (Flip-Flop, Fig 10B). Seules les sous-unités GluR2 et GluR4 sont modifiées par épissage alternatif dans leur domaine C-terminal générant des formes courtes (s) et longues (l) (Fig 10A/C). La majorités des récepteurs AMPA sont composés d'une combinaison de la sous-unité GluR2 avec une sous-unité GluR1 ou GluR3, la sous-unité GluR4 est exprimée dans des populations cellulaires spécifiques. Les différents domaines C-terminaux générés par l'épissage alternatif sont autant de signaux peptidiques qui permettent l'interaction avec des protéines partenaires ou la phosphorylation des récepteurs (Fig 10C) (Luscher and Frerking, 2001; Song and Huganir, 2002). Le nombre de récepteurs de type AMPA présents dans la densité post-synaptique détermine en partie le poids de la transmission synaptique. Shi et coll., en 1999, ont montré que l'insertion de récepteurs de type AMPA dans la densité post-synaptique (PSD) est un des mécanismes de la potentialisation à long terme (Shi et al., 1999). Depuis, les mécanismes permettant de réguler le nombre de récepteurs de type AMPA dans la PSD ont fait l'objet d'études extensives pointant le rôle critique des protéines liant les récepteurs et de la phosphorylation (Song and Huganir, 2002). Les récepteurs du glutamate de type AMPA ne sont pas seulement post-synaptiques, I Bureau et C Mulle ont montré que ces récepteurs pouvait réguler la libération de neurotransmetteur sur les terminaisons GABAergiques (Bureau and Mulle, 1998). Ainsi, comme les récepteurs de type NMDA, la distribution subcellulaire et les interactions protéiques des récepteurs de type AMPA sont des éléments essentiels pour la régulation fine de la transmission synaptique par le glutamate.

Les récepteurs de type delta :
Les récepteurs ionotropiques du glutamate de type delta sont composés des sous-unités GluR 1 et GluR 2. GluR 2 est principalement exprimée par les cellules de Purkinje dans le cervelet tandis que GluR 1 est majoritairement exprimée dans l'appareil auditif. Les récepteurs de type ne lient pas le glutamate mais sont pourtant impliqués dans la transmission synaptique glutamatergique entre les fibres parallèles et les cellules de Purkinje. Les mécanismes par lesquels les récepteurs de type interviennent dans la transmission synaptique ne sont pas connus, les sous-unités GluR 2 pourraient être des sous-unités accessoires des iGluRs ou bien les récepteurs d'un autre ligand libéré par les fibres parallèles (Yuzaki, 2003).


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