accueil  >  revues  >  la mucoviscidose
 


La mucoviscidose.

Auteur : Dr. Valérie CHAPPE

McGill University, McIntyre Medical Sciences Building, Dept. of Physiology, Montréal, Québec, Canada.

Troisième partie - Le canal CFTR :

V - Pharmacologie du canal CFTR
Pour rétablir le transport de chlorure dans les épithélium CF, de nombreuses stratégies ont été développées. à côté des études de thérapie génique, d’activation de canaux environnants autres que CFTR, ou encore de modulation des processus d'adressage membranaire, un ensemble d'études porte sur des drogues pouvant améliorer le transport de chlorure par CFTR (Figure 5). Cette pharmacologie a pour but l'amélioration du transport de chlorure par activation directe des canaux CFTR présents à la membrane ou encore par activation indirecte en agissant sur des récepteurs membranaires environnants. à côté de l'apport de ces études dans la compréhension de la pathologie et dans l'amélioration des traitements de malades atteints de mucoviscidose, la pharmacologie, par l’étude des modes d’action des molécules utilisées, permet également d’améliorer nos connaissances sur la régulation du canal et sur son rôle dans les mécanismes de régulations cellulaires

Parmi les molécules testées, on distingue d'une part les molécules capables d'inhiber le canal, qui sont des bloqueurs du canal CFTR, et d'autre part des molécules pouvant activer le canal, appelées ouvreurs. Malgré cette dénomination des différentes molécules testées, on ne dispose pas à ce jour d’une pharmacologie spécifique. En effet, les études pharmacologiques sur le canal CFTR sont menées à partir de molécules dont les effets portent sur des récepteurs membranaires, des seconds messagers, voir même à partir de molécules dont on ne connaît que des effets physiologiques généraux sur le transport d’électrolytes à travers les épithéliums. De ce fait, on ne connaît généralement pas précisément les mécanismes par lesquels les activateurs ou les inhibiteurs modulent la sortie de chlorure par le canal CFTR.

Depuis quelques années, nous avons pour objectif l’étude des relations structure/fonction de molécules activatrices du canal CFTR afin de déterminer les bases structurales de l’effet de ces molécules (dérivés xanthines et MPB) sur le transport de chlorure et la détermination de leur mode d’action.

1 - Les activateurs du canal CFTR (Figure 14)
La génistéine : ce composé fait partie de la classe des flavonoïdes naturels.
C’est l’inhibiteur de l’activité tyrosine kinase du récepteur à l’EGF le plus puissant dans cette classe de molécules. La génistéine agit par un mécanisme compétitif avec l’ATP (Ki : 13.7 mM), et peut se lier aux récepteurs adénosine (Ki = 5 mM). Par ailleurs, par son action sur la topoisomérase II, la génistéine intervient dans les cassures de l’ADN et donc probablement dans l’apoptose.

Cette molécule est également un puissant activateur du canal CFTR dont le mécanisme a beaucoup été discuté. Elle n’agit pas par une activation des protéines kinases A, C ou G car il n'y a pas d'augmentation d’AMPc intracellulaire, de calcium, ou de GMPc. Il est nécessaire d'avoir de l'ATP et une phosphorylation préalable du canal CFTR par les PKA pour avoir un effet de la génistéine (Weinreich, et al., 1997). On constate alors un maintien de l’état ouvert du canal, peut-être par inhibition de l’effet des phosphatases, ou une interaction directe au niveau des domaines NBD sur les sites de liaison à l’ATP.

En ce qui concerne les protéines CFTR mutées, la génistéine n'a pas d'effet direct sur le mutant DF508, mais en présence d'AMP cyclique ou de forskoline, on observe une forte synergie d’activation du transport de chlorure (Hwang et al., 1997). La stimulation combinée de génistéine et de forskoline permet également l'activation de certains mutants comme G551D qui sont présents à la membrane mais non activables par la forskoline seule.
L’idée générale qui se dégage pour le mode d’action de cette molécule est celle d’une action directe sur le canal, au niveau des domaines NBD. Cependant cette interprétation des résultats ne correspond pas aux effets observés avec la mutation DF508, pour laquelle on peut supposer un effet de la génistéine sur l’adressage.

Le NS-004 : C'est un benzimidazolone substitué.
Ces molécules ont d'abord été définies comme des ouvreurs des canaux K à large conductance dépendants du calcium, les canaux BK ou maxi K. A l’inverse, ils inhibent les canaux Kv, ainsi que des canaux calcium voltage-dépendants.

Les effets du NS-004 sur le canal CFTR sont assez proches de ceux de la génistéine. Cette molécule active le canal, même en présence d’inhibiteurs de PKA, pour des concentrations comprises entre 0,1 et 1 mM, et le mutant DF508 pour des concentrations supérieures à 10 mM, sans augmenter la concentration en AMP cyclique. Le NS-004 est décrit comme un ouvreur du canal CFTR. Bien que la probabilité d'ouverture des canaux phosphorylés augmente en présence de NS004, cette molécule n'a pas d'effet sur le canal CFTR après qu'il se soit spontanément désactivé. In vitro le NS004 n'inhibe pas les protéines phosphatases (Schultz et al., 1999) .

Le milrinone : c'est un inhibiteur de phosphodiestérases de type III. Il a été proposé que le milrinone stimule CFTR en augmentant le taux d'AMPc intracellulaire. Cependant le mode d'action exacte de cette molécule n'a pas encore été déterminé. Le milrinone active à la fois le canal sauvage et le canal mutant DF508. Il a un effet additif sur l’activation des canaux CFTR par la forskoline ou par des agonistes de l'AMP cyclique ce qui suggère un mécanisme indépendant de la voie de l’AMPc. Des études récentes menées in vivo sur des souris transgéniques ainsi que des essais cliniques sur des sujets humains atteints de mucoviscidose, concluent que le milrinone n’induit pas la sécrétion de chlorure dans les voies aériennes CF (Smith et al., 1999).


Les inhibiteurs de protéines phosphatases
La régulation du canal CFTR implique des étapes de phosphorylation et de déphosphorylation. L’inactivation spontanée du canal qui conduit à sa fermeture est induite par l'action de protéines phosphatases sur le domaine régulateur.

Parmi les activateurs du canal CFTR on trouve des composés capables d'inhiber les phosphatases, ce qui permet le maintien du canal à l'état ouvert. Différents inhibiteurs de phosphatases ont donc été testés, principalement sur des fragments membranaires excisées provenant de cellules CHO transfectées avec le gène codant pour la protéine CFTR, ou encore de cellules épithéliales des voies respiratoires humaines. Ces études conduisent à deux types de résultats. D'une part, l’utilisation de ces molécules permet d'avoir une activation spontanée du canal, sans stimulation préalable de la voie AMPc, ceci dans le cas de la protéine sauvage et dans le cas de protéines mutées présentes à la membrane. D’autre part, la classification de l'efficacité de ces inhibiteurs de phosphatases est : 3-isobutyl 1-méthyl xanthine (IBMX) > Br-tétramisol (dérivé du lévamisol) > vanadate > théophylline > ATP > calyculine A > acide okadaique > leupeptine (Becq et al., 1994; Becq et al., 1996).

Les dérivés benzimidazolones : ce sont des régulateurs de la conductance K
La conductance K au niveau des membranes basolatérales joue un rôle important dans la sécrétion apicale du chlorure. La modulation des canaux K sensibles aux calcium (Kca) par différentes drogues a donc été envisagée afin d'améliorer le transport de chlorure. Les molécules testées sont des dérivés des benzimidazolones, les benzoxazoles : chlorzoxazone et zoxazolamine, ainsi que des ouvreurs de canaux Kca comme le 1-EBIO. Par augmentation de la conductance K basolatérale, ces dérivés permettent le maintien de la sécrétion de chlorure dans les voies respiratoires humaines (Shultz et al., 1999).

Les psoralènes
Les psoralènes sont des composés naturels que l'on trouve dans une grande variété de plantes. Ils sont connus depuis très longtemps comme inducteurs de la re-pigmentation de la peau après une exposition solaire. L'utilisation la plus fréquente des psoralènes est le traitement des psoriasis, et de nombreuses photodermatoses. Cependant le mécanisme sous-tendant cet effet thérapeutique est inconnu. Une explication réside peut-être dans la capacité des psoralènes de s’intercaler dans la double hélice d'ADN inhibant ainsi la réplication, ce qui par conséquent bloque la prolifération cellulaire. Cette propriété a été utilisée dans les techniques de transfert de gènes utilisant des vecteurs viraux rendus non pathogènes et non réplicatifs après une exposition combinée aux ultraviolets et aux psoralènes. Les virus inactivés par les psoralènes sont utilisés dans les études de thérapie génique.

Un des psoralènes les plus utilisés : le 8-MOP, est un puissant inhibiteur du cytochrome P450, des canaux K sensibles à l'ATP et " delayed rectifier " des cellules b pancréatiques. Par comparaison avec certains inhibiteurs de ces canaux K tels que la glibenclamide et le tolbutamide ayant un effet connu d’inhibition du canal CFTR, les psoralènes ont été testés sur le transport de chlorure. Le 8-MOP augmente la sécrétion de Cl- uniquement lorsque la conductance K est stimulée par le calcium. L’augmentation du transport de chlorure observée est due au canal CFTR (Devor et al., 1997).

Le sodium 4-phénylbutyrate (4PBA)
C’est un régulateur de la transcription. Cette molécule, représente une classe assez particulière d’agents pharmacologiques utilisés dans la restauration des défauts de transport de chlorure. Contrairement aux molécules décrites plus haut, le 4PBA a pour effet l'augmentation du nombre de canaux CFTR-DF508 présents à la membrane cellulaire, par un mécanisme d’échappement au système de dégradation des protéines. Son mode d'action est inconnu mais semble différent de celui du butyrate qui est un régulateur de l'expression du gène CFTR. Bien que cette molécule soit déjà utilisée en thérapie humaine pour les traitements de pathologies dues à des désordres dans le cycle de l’urée, son efficacité et son utilité dans le traitement de la mucoviscidose restent à démontrer (Rubenstein et al., 1997).

2 - Les inhibiteurs du canal CFTR (figure 15)
Les sulfonylurés et diarylsulfonylurés
Les composés de cette famille ont été étudiés et développés dans un premier temps pour leurs effets sur la régulation de la glycémie. Le composé ayant la plus haute affinité (< 1nM): la glibenclamide, est un agent de régulation de l’hypoglycémie. L'effet des sulfonylurés sur la sécrétion d'insuline pancréatique est médié par l’inhibition de canaux K sensibles à l'ATP.

L’inhibition du canal CFTR par la glibenclamide est sensible au pH et dépend du voltage et de la concentration en chlorure externe. Son demi-effet est de l'ordre de 30 mM (Sheppard et Robinson, 1997). Glibenclamide et tolbutamide diminuent la probabilité d'ouverture de manière dose-dépendante par des interactions directes avec le canal. Le site d’interaction supposé est situé dans le pore du canal, ce qui entraîne une compétition avec les ions Cl-. Des analyses cinétiques montrent que la glibenclamide et le tolbutamide interagissent exclusivement avec le canal dans son état ouvert et interrompent le transport de chlorure.

Du fait de son interaction directe avec le canal, la glibenclamide est très souvent utilisée comme contrôle de l'implication du canal CFTR dans un transport de chlorure donné. Cependant, les effets de la glibenclamide doivent être étudiés et analysés avec précaution car, pour des concentrations < 10nM la glibenclamide peut agir sur la protéine SUR et pour des concentrations mM, la glibenclamide peut avoir de multiples effets, notamment l’inhibition de canaux K et chlorure, ainsi que de nombreuses enzymes dont les PKA.

Dans le même groupe de molécules, les diarylsulfonylurés ont une sélectivité beaucoup plus grande et un effet beaucoup plus important sur l’inhibition du canal CFTR. Leur mode d'action est comparable à celui de la glibenclamide et du tolbutamide par interactions avec l'état ouvert du canal (Schultz et al., 1999).

Les arylaminobenzoates
Le DPC et l’acide flufénamique sont décrits comme étant des bloqueurs du canal CFTR. Ils bloquent l'ouverture du canal lorsqu'ils sont exposés directement sur la face intracytoplasmique. Ce blocage est totalement réversible est implique une liaison au niveau de résidus des domaines transmembranaires 6 et 12 formant le pore.


Le MOPS : 3-(N-morpholino) propanesulfonic acid
Cette molécule serait capable d’entrer dans le pore du canal lorsque celui-ci commence à s’ouvrir, suite à l’hydrolyse de l’ATP sur le domaine NBD1, par des liaisons au niveau de résidus bordant le pore, bloquant ainsi la conduction des anions à mi-parcours.
L’étude de cette inhibition un peu particulière du transport d’anion dans le canal CFTR permet de mieux appréhender les questions de régulation des processus séquentiels d’ouverture et de fermeture du canal (Ishihara et Welsh, 1997).

3 - Les dérivés xanthines
Les méthylxanthines telles que la caféine, la théophylline, et la théobromine sont des composés naturels que l’on trouve dans certaines plantes comme le café, le thé ou le cacao et donc dans les boissons fabriquées à partir de ces plantes.

Des analyses sur les effets, notamment de la caféine, ont été réalisées chez les adultes, et récemment, l’attention a également été portée sur les effets des méthylxanthines chez les enfants et les adolescents. Ces analyses sont primordiales lorsque l'on considère l'utilisation de telles molécules dans le traitement de pathologies comme la mucoviscidose qui atteignent les enfants et les jeunes adultes.

Des études épidémiologiques menées aux Etats-Unis montrent que, comme pour les adultes, une large majorité d’enfants consomment de la caféine chaque jour, principalement à travers les boissons. Les méthylxanthines sont très bien absorbées par l’organisme. Après ingestion orale, 99 % de la caféine est absorbée en 45 minutes avec une demi-vie de 4h. Le pic de concentration plasmatique de la théophylline apparaît en 1,5 à 2 heures avec une demi-vie de 6h et la demi-vie de la théobromine est de 7h. Les méthylxanthines sont distribuées dans tout le corps, elles peuvent traverser la barrière placentaire et sont retrouvées dans le lait maternel. Leur élimination se fait grâce au métabolisme du foie. Ainsi, les drogues qui entrent en compétition pour les enzymes de dégradation vont tendre à augmenter la demi-vie des méthylxanthines, à l’inverse, les drogues qui induisent ces enzymes vont tendre à faire diminuer la demi-vie des méthylxanthines.

En dehors des effets de stimulation sur le système nerveux central, la famille des alkylxanthines est aussi connue pour ses effets sur la relaxation des muscles lisses, notamment au niveau bronchial (effet broncho-dilatateur), la stimulation des muscles cardiaques et un effet diurétique. Au niveau cellulaire, de multiples effets sont observés : la mobilisation du calcium intracellulaire pour des doses très élevées de xanthines, l’inhibition de phosphodiestérases, l’inhibition des phosphatases, et l’inhibition des récepteurs à l’adénosine.

Les effets sur le comportement humain des méthylxanthines sont principalement attribués à l’antagonisme du récepteur adénosine, bien que les tentatives pour reproduire les effets de la caféine en modulant les récepteurs adénosines n’aient pu le démontrer (Hughes et Hale, 1998).

Une des xanthines la plus étudiée est l’IBMX. Cette molécule est capable d'activer à la fois le canal CFTR sauvage et la protéine mutée, avec cependant une efficacité moins importante. L’IBMX a des effets multiples, c’est un inhibiteur de phosphatases et de phosphodiestérases. Sur des membranes excisées, ou des vésicules membranaires, on enregistre une importante activation du courant chlorure en présence d’IBMX, principalement due à une inhibition des phosphatases membranaires, et par conséquent une diminution de la désactivation spontanée des canaux CFTR.

L'activation du canal par inhibition des phosphodiestérases, inhibition de phosphatases, ou une liaison directe au canal CFTR des alkylxanthines reste à déterminer (Schultz et al., 1999).

Une autre série d’alkylxanthines étudiées dans les mécanismes de régulation du transport de chlorure, correspond aux dérivés antagonistes des récepteurs adénosines. Cette classe de dérivés comprend des composés substitués en position 8, comme le 8-cyclopentyl-1,3-dipropyl xanthine (CPX), les dérivés aminés (XAC) (Jacobson et al., 1988), et les dérivés 1,3-diallyl-8-cyclohexylxanthine (DAX). Ces dérivés augmentent l'efflux de chlorure dans des cellules pancréatiques exprimant le canal CFTR-DF508. La réponse est biphasique, les faibles concentrations (10 à 30 nM) induisent une stimulation, et les fortes concentrations (100nM à 10mM) à l'inverse inhibent l'efflux de chlorure (Eidelman et al., 1992).

Le transport de chlorure à travers le canal CFTR sauvage n'est pas modulé par le CPX ni par le XAC. Bien que les premières études l’aient laissé supposer, l'action de ces deux composés sur le canal DF508 ne passe vraisemblablement pas par un antagonisme des récepteurs adénosine. Les dérivés DAX et CPX se lient directement au domaine NBD1 du canal CFTR (Kd = 17nM pour NBD1-DF508 et Kd = 1nM pour le NBD1 sauvage) et améliorent la fréquence et la durée d’ouverture du canal ainsi que son incorporation dans des bicouches lipidiques (Arispe et al., 1998). Une classification dans la capacité de liaison au domaine NBD1 a été proposée (Cohen et al.,1997). 1) Pour le domaine NBD1 sauvage : DA-CPX > DAX > CPX > caféine > adénosine >> IBMX > 2-thio CPX. 2) Pour le domaine NBD1-DF508 : DAX > CPX > caféine > DA-CPX > adénosine >> IBMX >2-thio CPX.
haut de page
page précédente sommaire page suivante


Cours de biologie  |  Articles de revue  |  Études  |  Offres d'emplois  |  Pense-bête  |  Sélection de livres  |  Nouveautés livres  |  Liens  |  Forum

© 123bio.net - Tous droits réservés.