C - Mécanismes moléculaires de la transduction et de la régulation du signal olfactif :
C1. Le couplage des récepteurs olfactifs aux protéines-G :
Les protéines-G jouent un rôle central dans la signalisation intracellulaire. Elles amplifient les réponses des récepteurs et influencent l'amplitude et les délais des signaux eux-mêmes. Elles orientent également les signaux en couplant les récepteurs à leurs effecteurs appropriés. Les protéines-G existent sous deux états conformationnels, l'une active qui est liée au GTP et l'autre inactive liée au GDP. Dans les cellules non stimulées, le GTP est hydrolysé par l'activité GTPase et par conséquent la forme liée au GDP, inactive, prédomine. Les récepteurs mis en jeu par les ligands augmentent la vitesse de l'échange GDP-GTP et, de ce fait, la quantité de protéine G activée, liée au GTP. Les protéines-G qui nous intéressent ici sont des hétérotrimères composés d'une sous-unité
a, liant le GDP ou le GTP et d'un complexe
bg indissociable en milieu physiologique. La sous-unité
a donne son identité à la protéine G. En liant le GTP, cette sous-unité se dissocie du complexe
bg et stimule sélectivement les protéines effectrices (
Figure 23).
Ainsi attribue t-on aux sous-unité
a et donc aux protéines-G des indices mnémoniques qui renvoient à leur activité stimulatrice sur les effecteurs. Alors que les protéines-G de sous-type
aS stimulent l'adénylate cyclase, G
ai l'inhibe et Gq activent la phospholipase C (pour revue voir Bockaert et Pin, 1998) (
Figure 24).
Les neurones olfactifs expriment G
as et G
aolf. Cette dernière présente 88 % d'identité avec G
as et active également l'adénylate cyclase (Bakalyar et Reed, 1990; Jones et Reed, 1989). Aussi, la protéine-G
aolf est-elle plus abondante que G
as dans l'épithélium olfactif de l'adulte (Jones et Reed, 1989; Menco et al., 1992; Menco et al., 1994). L'implication de cette protéine-G dans la transduction olfactive a été examinée expérimentalement en réalisant la délétion de son gène chez la souris (Belluscio et al., 1998). Les souris déficientes de la protéine G
aolf qui atteignent le stade adulte présentent une anosmie totale. En effet les odorants, connus pour activer la voie AMPc et la voie IP3, ne sont plus perçus par les mutants. Ainsi, Il est fort probable que les ORs se couplent à la protéine G
as chez les individus nouveaux nés, puis par un basculement d'expression, en faveur de G
aolf chez l'individu adulte (Belluscio et al., 1998).
Notons pour remarque que la protéine G
aolf n'est pas seulement impliquée dans la signalisation olfactive. Elle est exprimée dans la rétine, le foie, le cœur et les cellules germinales (Zigman et al., 1993; Ferrand et al., 1999). Elle est retrouvée en grande quantité dans les ganglions de la base et notamment dans le striatum où elle est plus abondante que la protéine G
as (Herve et al., 1993; Herve et al., 1995). D'ailleurs, Belluscio et son groupe (1998) avaient montré que les souris déficientes de G
aolf présentent, en plus de l'anosmie, une hyperactivité motrice. Plus récemment, cette même équipe a pu corréler ce comportement hypermoteur avec la fonction de la protéine G
aolf dans le striatum (Zhuang et al., 2000). L'absence de G
aolf dans le striatum entraine une diminution de l'affinité du récepteur dopaminergique de type 1 (D1) pour son ligand naturel, la dopamine. Dans le striatum la protéine G
aolf se couplerait à D1 et non G
as comme il est généralement admis.
G
aolf et G
as ne sont pas les seules protéines-G exprimées dans les neurones olfactifs. Il a été détecté une immunoréactivité des sous-unité a et bg de la protéine Go (Shinohara et al., 1992). Schandar et al. (1998) ont pu d'ailleurs noter que l'induction de la voie IP3 peut être bloquée par un anticorps dirigé contre la sous-unité b et, par conséquent, que le complexe
bg d'une protéine G
ao peut activer la phospholipase C. Chez le homard, une protéine de la famille G
aq serait impliquée dans la transduction du signal olfactif puisque l'anticorps dirigé contre la sous-unité
a11 bloque la réponse provoquée par l'application d'odorants (Fadool et al., 1995). En ce qui concerne les protéines-G de type
ai, seule G
ai2 est immunopositive dans une population restreinte de cellules olfactives, alors que G
ai1 et G
ai3, sont absentes (Shinohara et al., 1992). Cependant l'implication dans la transduction olfactive de ces différentes protéines-G n'est pas autant clairement définie que G
aolf. Le fait que le signal olfactif disparaisse complètement chez les souris déficientes de Golf remet d'autant plus en cause l'implication d'autres protéines-G dans la transduction olfactive.